1 sacre, 1001 leçons

 

 

 

 

Rares sont les fins d’années où nous ressentons une chaleur presque estivale. Généralement, le mois de décembre au Maroc est synonyme de ciel morose, de pluies régénératrices, et de neiges éphémères sur les Atlas. En cette année bénie 2022, si d’autres placent le blâme sur le réchauffement climatique, nous ne nous permettons en aucun cas de pointer quelqu’un du doigt, car la vague de chaleur dont nous avons fait l’expérience ces dernières semaines nous rappelle les moments d’extase et de triomphe du mois de décembre 2013, lorsque le Raja a côtoyé les grands en finale de coupe du monde des clubs.

Nous parlons ici de chaleur humaine et passionnelle. Nos corps ont brûlé de bonheur, ont sévi les revers d’une canicule qui nous a rendu notre fierté nationale et nous a sorti de l’asphyxie qui dure depuis la CAN 2004. Notre équipe nationale de foot a surmonté tous les préjudices et s’est hissée au bout d’un parcours historique jusqu’en demi-finale de la Coupe du Monde.

Oui, LA coupe du monde, celle dont on a tant rêvé, celle qui est accrochée sur les murs des chambres de toutes ces générations de passionnés. Elle, la dorée qui a toujours été bercée par les bras et les noms des étrangers, occidentaux qu’ils soient ou latinos. Elle, l’équation la plus recherchée au monde, se voit pour la première fois de son histoire résolue par un tout nouveau théorème. Un paramètre né des fins fonds de l’Afrique. Pour peu qu’on mérite une médaille Fields pour cet exploit.

Au terme d’un mois où notre fierté nationale s’était lancée en rythme de croisière, nous voilà donc quatrième meilleure sélection au monde. Nous sommes demi-finalistes d’une coupe du monde sensationnelle footballistiquement, que certains qualifient déjà de meilleure édition en termes de scénarios et de rebondissements. Il nous aurait fallu seulement 7 matchs pour nous octroyer une place parmi les plus grandes nations du foot.

Durant ces semaines de novembre et décembre, les Marocains ont pu rêver d’être champions du monde. Ce changement de dimensions s’est fait ressentir telle une onde de choc dans nos vies. On dit que le changement doit être soft et par étapes, car sinon les répercussions peuvent être désastreuses. Mais là, et à l’échelle de 35 millions de personnes, on accepte clairement que cette transformation soit brusque et révolutionnaire. Ce triomphe historique était le miracle que nous attendions pour engager et enclencher une mutation nationale pour nous améliorer et transformer notre vision, à la fois sportive et sociale.

Chacun de nous espère que ce sacre sera le corner stone du football marocain et africain. Nous aspirons dans un avenir proche à une vraie renaissance d’un foot spectaculaire, physique, technique, plein de rigueur et de malice. A partir de maintenant, tout paraît à portée de mains (et de jeux de pieds). La volonté est là, nous sommes totalement capables de le faire, et on se donnera comme exemple le Ghana de 2010, l’Algérie de 2014, et surtout le Maroc de 2022.

Cette transformation ne se fera pas en copiant les autres, mais en créant et affirmant notre propre style de jeu. C’est ce qu’on a appris de la vision de l’entraîneur et de la symbiose du groupe entier. Il s’agit de s’autoriser d’expérimenter, de tâtonner, jusqu’à trouver cet ingrédient qui fera la différence. On connait très bien la leçon, puisqu’on a dû l’apprendre de la manière la plus dure qui soit, après avoir patienté pendant plus de 36 ans avant de pouvoir passer au deuxième tour. Leçon n°1 : A petits pas ta recette tu cuisineras.

Les ingrédients ont toujours été là, mais il manquait un cuistot étoilé Michelin à qui il incombait de les convertir en des mets succulents. Ces jeunes marocains, nés pour une grande partie outremer, ont matérialisé leur patriotisme et leur amour pour ce drapeau rouge et vert, jusqu’à se surpasser. Ils ont chacun posé les piliers de cette formation. Ensemble, ils ont donné naissance à cet ultime « Underdog » qui s’est déchaîné dans l’arène face aux grands du ballon rond. Tout cela en respectant l’identité et le style de jeu du marocain « Weld Derb » et en le sublimant par une rigueur et une discipline sans failles. Leçon n°2 : Une symbiose de tes ingrédients tu créeras.

Soyons réalistes, cette épopée n’est en aucun cas le résultat d’une sérieuse planification ou d’un projet sportif à long terme, mais elle n’est pas non plus le fruit du hasard ou de l’antijeu. C’est la preuve même que le football tel qu’on l’aime ; simple et efficace, peut amener à la victoire finale. C’est le foot populaire qu’on chérit et qu’on promeut, le Futebol Democracia. Leçon n°3 : De tes faiblesses ta force tu feras.

Ce que nous retenons aussi c’est que la transformation ne doit pas être seulement sportive, mais surtout humaine et sociale. Il est grand temps de changer de mentalité et de quitter l’obscurantisme du 20ème siècle. Aujourd’hui, nous avons brisé ce mur de glace et mis fin au complexe d’infériorité contracté durant le protectorat. Assez de comparaison, de « oui mais eux ils ont », il est temps de s’assumer et de comprendre qu’on est capables de toutes les grandeurs, et que la réussite est à portée de main. Le marocain ; l’amazigh, l’africain et l’arabe, a le pouvoir de se surpasser et d’atteindre ses aspirations et ses rêves. Leçon n°4 : Ta mentalité tu transformeras.

Nous n’avions jamais été un grand pays du foot. Nous avons toujours eu du mal à nous reconnaître dans des idoles, si ce n’est quelques rares pépites tels feux Benmbarek ou Dolmi. Notre génération vivait dans les souvenirs de nos parents. Désormais, nos enfants hériteront de 26 modèles. 26 gladiateurs et magiciens qui ont créé la plus belle des symphonies marocaines, pour détrôner celle de Kamal Kamal. Nous aurons à notre tour une histoire à raconter et un mythe aussi merveilleux que les sacres africains du Raja. La voici la lueur d’espoir qu’on cherchait pour tous ces gamins des quartiers marginalisés ou des régions oubliées qui courent derrière un ballon sans se soucier de leur misérable quotidien. Leçon n°5 : Auprès des siens tu brilleras.

Cela dit, soyons clairs. On n’appelle pas un underdog deux fois de suite. Car ce qu’on accomplit une première fois ne doit être que la base et la norme de la fois suivante. C’est-à-dire qu’à partir de maintenant, nous faisons partie de la cour des grands. Et cela nous impose une certaine responsabilité lors des prochaines éditions, que ce soit en Coupe d’Afrique ou en Coupe du Monde. Nous devons continuer d’avancer et de grimper jusqu’au sommet. D’abord le Kilimandjaro en 2023, ensuite l’Everest en 2026. Leçon n°06 : Ton apogée tu engageras.

Maintenant, la balle est dans notre camp. Les dirigeants et hautes instances qui « veillent » sur ce sport devraient en principe investir plus de moyens en ce sens. A bas les magouilles qui sont devenues notre marque de fabrique. Le rayonnement et l’exposition médiatique dont bénéficiera notre pays doivent être un argument de taille afin d’attirer des investissements sportifs de haut niveau. Nous avons ce qu’il faut pour gagner et pour être compétitif.

Les retombées de cette consécration doivent se faire ressentir au plus tôt, et il ne faut surtout pas rester éblouis par les projecteurs. Car sinon, si on décide de nous reposer sur nos acquis et on se laisse emporter par l’euphorie, notre sacre ne sera qu’anecdotique. Les performances s’oublient et ne serve que de tremplin pour de plus grands projets et d’autres exploits. L’histoire ne retient bien que les vainqueurs, et à nous de continuer de grimper pour les rejoindre.

Où le combat est grand la gloire l'est aussi.

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