ultras eagles

 

 

 

 

A toi ZK, ami, mentor, et frère.
A vous AN, YC.
Ils ont cru vous faire taire, mais vos voix en sont devenues plus fortes.
Ils ont fait de vous des boucs-émissaires, mais vous êtes devenus les porteurs de nos espoirs et nos rêves.
Vous êtes libres de pensée, et incha allah vous serez libre pour revoir le ciel bleu de votre patrie bien-aimée.

Vive la jeunesse !
Le Maroc est connu pour être le pays des extrêmes, la terre des paradoxes. On peut y constater un large éventail d’oxymores vivantes : Hoba Hoba Spirit chanterait que dans le même étage d’un immeuble de Casablanca ou de toute autre grande ville peuvent cohabiter une jeune étudiante libérale fêtarde, porte à porte avec une grande famille conservatrice qui n’autorise aucune musique profane dans l’enceinte de son appartement. Nous vivons et respirons ces paradoxes au quotidien, et nous nous y sommes tellement habitués qu’ils sont devenus identitaires de notre société. Ces dualités ne s’arrêtent pas au comportemental du citoyen marocain. Elles en font certes la diversité et une certaine beauté exotique. Toutefois, quand on arrive au stade où elles sont l’arme préférée d’un gouvernement, et son Mjolnir pour écraser la principale tranche sociale instruite et apte à critiquer ses décisions et s’y opposer, c’est que le vase est prêt à déborder. On se sentirait dans un scénario préquel au totalitarisme présent dans 1984, fiction écrite par George Orwell au 20ème siècle, qui rappelons-le, a vécu pendant un certain moment au Maroc avant la rédaction de ce roman. L’inspiration viendrait-elle de là ?

Parmi ces paradoxes se trouvent ce qui semble être une des règles d’or du Maroc. « La jeunesse est morte, vive la jeunesse ». L’antithèse existant dans cette phrase est basée sur le slogan français datant du moyen-âge « le roi est mort, vive le roi ». Cette citation populaire était utilisée à la mort d’un monarque français, pour saluer le nouveau roi couronné et inculquer la croyance royaliste qui dictait que le trône n’était jamais vacant, que la lignée continuait et la succession était assurée. Remplacer le mot « roi » dans ce slogan est devenu très populaire, pour marquer la continuité d’un certain concept. Ici, la jeunesse présentée dans la phrase ne devrait pas être considérée comme un simple concept, mais bel et bien un organisme constitué d’êtres vivants, bercés de rêves, à la quête d’opportunités pour rendre leur avenir meilleur. Ce ne sont pas de simples numéros de dossiers ou de certificats de naissance vides de sentiments, ce sont des composantes d’un des piliers du développement socio-économique de tout pays. On continue de se demander alors, pourquoi persister et crier sur tous les toits du monde Vive la jeunesse ! alors que le gouvernement et tout son réseau de sbires continuent de l’oppresser ouvertement.

On est devant tout un processus, bien pensé et planifié. Tout a commencé par les révolutions étudiantes de 1965, et la montée en puissance des unions estudiantines, dont la direction de pensée va rapidement virer vers la gauche communiste. On tente alors de taire et calmer tout ce brouhaha excité qui risque de bouleverser un pays à peine indépendant et qui tente petit à petit de se mettre sur ses pieds. La solution est logique, et effective : arrestations et emprisonnements à la volée, et des réformes scolaires et universitaires concentrées sur des matières-clés comme la philosophie. Le mouvement révolutionnaire perd ses quatre roues, et stagne sur place jusqu’à se dissiper de la mémoire du peuple. Les conséquences ne sont ressenties que deux générations plus tard : des jeunes étudiants asphyxiés par un des pires systèmes éducatifs du monde, sans avenir sûr face aux taux astronomiques de chômage. Elle en devient fragile, mais en perd surtout de patriotisme. Elle devient prête du jour au lendemain à quitter son pays qui ne lui a rien donné pour partir faire le bonheur d’autres nations. L’immigration de ces cerveaux leur offre des opportunités de vie, qui leur font oublier leurs misères passées. Toute une tranche de la société se met d’accord sur le fait qu’on l’oppresse, qu’on l’a détruit d’irresponsabilité, de mauvaise gestion, d’incompétences d’une image paternaliste qu’essaye de se créer ce gouvernement. Mais comment un père ose-t-il affliger cela à ses propres enfants ? Qu’a-t-il à la place du cœur pour pouvoir faire de cette jeunesse son cobaye préféré ?

Oui, on a bien choisi les jeunes comme boucs-émissaires de tous les échecs politiques de développement social. N’oublions pas, maintenant qu’on vit dans cette ère connectée où chaque semaine est ponctuée par un buzz – dont le simple et seul rôle est d’éloigner l’intérêt populaire loin des grandes décisions – et où on oublie si rapidement les tragédies sociales marocaines, alors qu’on se rappelle tous les prénoms des protagonistes d’une Telenovela turque. N’oublions pas, qu’il y a quelques mois, une décision majeure a été prise du jour au lendemain sans consultation du peuple, qui était ce changement d’heure subite, et qui affecte directement la jeunesse étudiante. Surprise ? Cette dernière a été la seule à se révolter par rapport à cela. Quelqu’un les a-t-il entendus ? Vaguement, il y avait d’autres sujets plus importants à traiter, comme peut-être le fait que Ziyech aurait dû laisser le penalty à Boussoufa. Cela dit, les jeunes ne sont que l’exemple préféré vers qui tous les doigts se tournent pour illustrer que « c’était mieux avant ».

Enfin, quand ce sont ces jeunes qui choisissent eux-mêmes leur rôle dans cette société qui les censure, et qu’ils décident d’améliorer leurs conditions avec leurs propres moyens, ils se retrouvent face à des murs invisibles qui les empêchent d’avancer. Dans un pays où les maisons de jeunesse sont pour la plupart closes, et ne font que ternir les talents et rêves de cette jeunesse, notre génération a décidé de se tourner vers d’autres moyens pour se défouler, elle a cherché de nouveaux cercles d’appartenance. Que ce soit dans la musique, dans l’art, dans les spectacles de rue, dans le bénévolat, ou dans les stades, nous nous sommes tournés vers nos semblables pour créer des passions communes et les partager, pour prospérer ensemble. Et quand on entreprend ce genre de sentiers, on se retrouve toujours encerclés par les sbires du gouvernement dont le principal rôle devient de nous faire taire. Ça va de soi, il fallait bien quelqu’un pour devenir le défouloir des forces de l’ordre, maîtresses du désordre.

Et puis, les discours politiques changent, aussi rapidement que Benzerti change de club. On appelle ça apparemment la « diplomatie ». La jeunesse devient un argument-clé lors des campagnes de propagande de certains politiciens. « On vous offrira du travail, on vous donnera des bourses, on
vous aidera à lancer vos projets, on fera de vous notre principal atout ». Toute ressemblance avec les paroles du titre Lftikhabate de Haoussa est intentionnelle. Vive la jeunesse ! On devient fierté nationale quand on décroche des titres honorifiques lors d’événements internationaux, lorsque nous faisons « rayonner et virevolter le drapeau marocain », titres auxquels ce même pays n’a participé ni de près ni de loin. Vive la jeunesse ! On crie au monde que les marocains sont les plus intelligents, qu’ils chapeautent les plus grands projets et les plus grandes entreprises, qu’ils sortent lauréats des plus grandes universités et écoles, alors qu’en face on passe des mois à argumenter quelle langue d’éducation nationale il faudrait adopter. Comment une nation peut-elle se vanter que ses pépites et ses éléments les plus précieux soient célébrés dans d’autres endroits, loin de leur terre-mère ? N’est-ce pas une assertion implicite que notre système éducatif n’est pas assez développé pour leur épanouissement et pour en faire l’avenir de ce pays ? L’espoir est là, mais comme tout autre chose existant dans cette univers, l’espoir expire. Il dure jusqu’à ce que les bulletins de vote soient scrutés, et que les fêtes de célébrations des nouveaux élus soient clôturées. Et là, Halima reprend ses anciennes habitudes.

Voilà où nous nous en sommes aujourd’hui, le plus beau pays du monde, la terre de la justice et des droits, capable de lancer ses jeunes au plus haut, et de les laisser retomber en chute libre. Mais le roller-coaster que vous nous faites infliger prendre fin. La roue sera brisée. La jeunesse reprendra sa vie en main, et regagnera sa juste place de moteur des civilisations. Le processus sera long, mais nous nous engagerons à, non seulement, améliorer nos entourages grâce à nos projets, mais aussi à nous améliorer nous-mêmes. Et peut-être que d’ici là, vous serez spectateurs et vous nous applaudirez quand on criera de nous-même une simple et seule phrase « Vive la jeunesse ! ».

Libérez ZK, AN, YC.